Projet Montréal marque des points
par Marco Bélair-Cirino
dans Le Devoir
le 2 novembre 2009 à Montréal
C’est avec un «pincement au coeur» que le chef de Projet Montréal et candidat malheureux à la mairie de la Ville de Montréal, Richard Bergeron, est apparu sur la scène du National peu après 23h hier.
Déçu de son score à la mairie, Richard Bergeron a dit espérer voir plus d’une dizaine de conseillers municipaux de Projet Montréal à l’Hôtel de Ville lors de la prochaine séance du conseil municipal. «Il y en a trois ou quatre qui sont confirmés, mais on peut s’attendre à une bonne dizaine d’élus de Projet Montréal», a-t-il indiqué.
Les dizaines de candidats et partisans de Projet Montréal, qui attendaient avec fébrilité les résultats électoraux dévoilés au compte-gouttes sur des écrans géants, se sont dits fiers du chemin parcouru depuis les élections municipales de 2005. «Savez-vous qu’il y a quatre ans, on faisait du piquetage devant Radio-Canada afin que notre chef soit entendu? Ce n’est pas une belle histoire, ça? On est passé de 0 à 25 %», a lancé le cofondateur de Projet Montréal, Claude Mainville.
Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, qui s’est présenté à la tête de candidats «incorruptibles», recueillait plus de 25 %. «Nous n’étions rien il y a cinq ans», a fait remarquer M. Bergeron.
Union Montréal, le parti du maire réélu Gérald Tremblay, a essuyé une solide rebuffade des électeurs de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Luc Ferrandez, qui briguait la mairie d’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, a été élu par plus de 4000 voix de majorité. Il a récolté 45 % des votes, comparativement à plus de 27 % pour Guillaume Vaillancourt de Vision Montréal et à moins 26 % pour Michel Labrecque d’Union Montréal.
La colistière du chef de Projet Montréal, Nimâ Machouf, a pour sa part été élue conseillère municipale du district de Jeanne-Mance. Le candidat malheureux à la mairie Richard Bergeron réquisitionnera son siège afin de participer aux délibérations du conseil municipal. Nimâ Machouf, chercheuse épidémiologiste à la clinique L’Actuel et enseignante à l’Université de Montréal, est arrivée à déloger le vétéran de la politique municipale Michel Prescott, d’Union Montréal, et à barrer la route à l’ancienne députée libérale de Mercier Nathalie Rochefort, qui s’est ralliée à Vision Montréal en août dernier.
«Il y a avait de très, très fortes chances pour que je donne mon poste à Richard Bergeron. J’étais confortable avec ça, a dit l’épouse du député de Mercier, Amir Khadir. Je voulais que Projet Montréal gagne afin que nos idées soient représentées à l’Hôtel de Ville, et c’est très important que les chefs de parti soient présents dans le débat municipal.» À 1h ce matin, Mme Machouf détenait une avance de plus de 300 voix sur Nathalie Rochefort. «C’est dommage Nimâ, mais je me prévaux de mon droit de chef et je prends ma place», a lancé M. Bergeron.
Piper Huggins et Carl Boileau ont quant à eux été élus respectivement conseillers d’arrondissement des districts électoraux de Jeanne-Mance et de De Lorimier. La conseillère municipale sortante du district de De Lorimier, Josée Duplessis, a été réélue avec près de 50 % des voix.
Pierre Gagnier était en tête pour remporter la mairie de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, avec un peu plus de 35 % des votes, comparativement à près de 33 % pour le candidat d’Union Montréal, François Purcell.
Dans l’arrondissement de Ville-Marie, Pierre Mainville a été réélu, mais cette fois comme candidat de Projet Montréal au poste de conseiller municipal du district de Sainte-Marie.
Tous les espoirs étaient pourtant permis hier soir alors que Richard Bergeron recueillait la semaine dernière 32 % des intentions de vote, selon un sondage Angus Reid-La Presse, publié à près de 48 heures du scrutin. Le chef de Projet Montréal avait fait un bond de 18 points en deux mois et était arrivé à se faufiler entre la chef de Vision Montréal, Louise Harel, et le chef d’Union Montréal, Gérald Tremblay, qui récoltaient respectivement 34 % et 30 % des intentions de vote.
M. Bergeron a attribué ses gains au programme de son parti politique, et non au débat sur l’éthique et l’intégrité — «l’éléphant qui s’est invité dans le salon», selon M. Bergeron — qui a retenu l’attention de l’électorat au cours des dernières semaines. Mais il ne fait aucun doute que l’ex-juge John Gomery est arrivé à point nommé dans la campagne de Richard Bergeron. Sa nomination à titre de président de la campagne de financement au mois d’août a marqué un tournant dans la campagne électorale, estiment plusieurs militants de la première heure de Projet Montréal. La candidate au poste de conseillère municipale du district de Loyola, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, Cym Gomery, a d’ailleurs été la première surprise du saut en politique de M. Gomery.
Il ne fait aucun doute selon John Gomery que l’administration Tremblay-Lemieux sera «sous surveillance» au cours des quatre prochaines années. «Même s’il a gagné l’élection, et même s’il va avoir une majorité au conseil municipal, il y a beaucoup de personnes qui ont une intégrité, et il ne fait aucun doute qu’elles vont examiner sa conduite. Ça ne sera pas comme le dernier conseil», a affirmé l’ancien juge de la Cour supérieure du Québec.
Ce n’est qu’à la mi-octobre que les citoyens se sont intéressés de près à la plateforme électorale de Projet Montréal, a fait remarquer la candidate à la mairie d’arrondissement dans l’arrondissement Côtes-des-neiges-Notre-Dame-de-Grâce, Carole Dupuis. «Les Montréalais ont, à partir de ce moment-là, pensé à Projet Montréal comme une alternative [à Union Montréal et à Vision Montréal]», a indiqué Mme Dupuis.
Richard Bergeron a invité le chef d’Union Montréal, Gérald Tremblay, à faire siennes les mesures comprises dans le programme de Projet Montréal. «Le premier mandat de Gérald Tremblay a été d’une certaine manière gaspillé par les défusions. Son second mandat vient d’être gaspillé pour d’autres raisons, que tout le monde connaît. La population lui donne une troisième et ultime chance ce soir. Qu’il sache se montrer à la hauteur de cette confiance», a dit Richard Bergeron hier.
Par ailleurs, le candidat défait à la mairie de la Ville de Montréal a tué dans l’oeuf tout départ éventuel à court ou à moyen terme de la scène politique montréalaise. «On va poursuivre la formidable aventure de Projet Montréal. […] Nous serons là en 2013», a assuré M. Bergeron hier. «On savait dès le début que c’était une « long shot »», a ajouté M. Gomery.
Moins de 200 000 $ auront suffi aux troupes de Richard Bergeron pour faire campagne.
En novembre 2005, l’équipe de Richard Bergeron a remporté près de 10 % des suffrages lors du scrutin, mais un seul des 65 sièges au conseil municipal