Donner le goût aux Montréalais
par Vincent Allaire
(écrit dans le cadre d’un travail en journalisme)
Il est jeune, idéaliste et vert. Il parle sans ambages. À 34 ans, Carl Boileau incarne une nouvelle génération de politiciens. Le 1er novembre dernier, les électeurs du district De Lorimier, dans Le Plateau–Mont-Royal, l’élisaient pour la première fois comme conseiller d’arrondissement. Membre fondateur de Projet Montréal, il s’était déjà sacrifié en 2005 comme colistier pour permettre à son chef, Richard Bergeron, de siéger au conseil municipal de Montréal. Au lendemain de l’adoption du premier budget d’arrondissement de Projet Montréal dans Le Plateau, je l’ai rencontré dans son bureau de l’avenue Laurier.
Qu’est-ce que vous retenez de la dernière campagne électorale municipale?
Je suis content que Richard Bergeron n’ait pas remporté la mairie de Montréal. Nous n’étions pas prêts pour ça. Par contre, la moitié des 45 ans et moins ont voté pour Projet Montréal et nous avons un chef qui incarne le développement durable. Je pense donc que c’est nous qui avons le vent dans les voiles pour les années à venir. Nous sommes la nouvelle génération! J’aime bien d’ailleurs la métaphore péquiste des trois périodes. Premièrement, faire rentrer le colistier. C’est arrivé en 2005. Deuxièmement, prendre un arrondissement. Ça vient de se faire. Troisièmement, prendre Montréal. C’est la prochaine étape. Notre victoire en 2013 ne sera pas automatique. Nous avons le devoir de réaliser les grandes lignes de notre programme. Le parti va être jugé sur notre performance dans Le Plateau–Mont-Royal.
Les observateurs s’entendaient pour dire qu’il était très probable que Projet Montréal décroche une majorité de sièges dans l’arrondissement du Plateau–Mont-Royal. Par contre, votre équipe a été surprise par le déficit de 4 M$ du budget d’arrondissement. Vous avez donc décidé d’interrompre le chargement de neige la fin de semaine. Comment pouvez-vous expliquer avoir été pris au dépourvu par le déficit, alors que l’information était publique?
Pourquoi n’étions-nous pas au courant que le premier conseil allait être sur le budget? Je ne sais pas. Ce n’était pas le cas dans certains autres arrondissements. On a été précipité dans nos nouvelles fonctions. Moi de mon côté, j’étais tellement sur le terrain en porte-à-porte pendant la campagne que peu importe l’issue du scrutin, ma vie s’arrêtait le jour de l’élection!
Maintenant, la réalité des chiffres nous arrive en pleine face. C’est la panique de notre côté… Nous n’avons pas assez de temps pour dégager des profits pour appliquer notre programme. Le mieux que nous ayons trouvé, c’est de faire des compressions. L’une d’entre elles est assez innovatrice et c’est justement de cesser le chargement de neige la fin de semaine. Notre but c’est d’attirer l’attention sur la problématique de la voiture, mais aussi d’illustrer le sous-financement des arrondissements, dans le dossier du déneigement, par la Ville centre.
Des disparités apparaissent donc entre les arrondissements à cause de la décentralisation. Qu’est-ce que vous pensez de cela?
Je ne suis pas un partisan de la centralisation extrême. Par contre, tout le monde s’entend pour dire que depuis les fusions en 2001, le déneigement à Montréal est beaucoup moins efficace. En « pelletant » le problème dans la cour des arrondissements, il arrive des inégalités. Ne pas charger la neige la fin de semaine, c’est une forme de pression qu’on met sur la Ville centre. Ce n’est pas du chantage… C’est une façon de mettre la population dans le coup. Ça va être un peu expérimental. Il y a des personnes qui pensent que ça va être le « bordel ». Bon. Ça sera peut-être une manière d’amener une réflexion sur l’utilité d’avoir une auto sur Le Plateau–Mont-Royal.
Le conseil municipal de Montréal a adopté à l’unanimité, le 1er décembre dernier, une motion de Projet Montréal demandant au gouvernement provincial une enquête publique sur les allégations de collusion entre les partis politiques et le monde de la construction. Entre-temps, qu’est-ce que Projet Montréal propose pour régler ces problèmes reliés à la collusion?
Une des premières solutions que nous ayons mise de l’avant, c’est de permettre à des membres de l’opposition de travailler au comité exécutif. M. Tremblay l’a heureusement adoptée. C’est une révolution démocratique! Au lieu que le comité exécutif serve les intérêts partisans d’une clique, on permet à l’opposition de surveiller. Ça pourrait être plus transparent. Richard Bergeron a d’ailleurs demandé que le comité exécutif siège en public. M. Tremblay est contre. Plus le temps avancera, plus nous le demanderons. Quitte à ce que soit l’une de nos promesses aux prochaines élections.
On ne va pas régler du jour au lendemain le problème de la corruption à Montréal : les gens en place sont sensiblement les mêmes qu’au dernier mandat. Mais, je pense que M. Tremblay a compris le message de la population. Il m’apparaît de bonne foi dans sa volonté de ne pas être celui dans l’histoire qui a cautionné tout ça. Je pense qu’il veut se racheter. C’est un peu sa rédemption. Il sait que c’est son dernier mandat. Je demeure donc optimiste.
Qu’est-ce qui vous inspire à faire de la politique malgré le cynisme ambiant?
J’ai plusieurs motivations. Mon premier niveau d’appartenance, c’est mon quartier. J’en suis très fier. Je suis un « plateaupitèque »! Le Plateau, c’est le terreau le plus progressiste en Amérique du Nord. Ça amène une responsabilité de lancer de nouvelles idées. C’est la lutte aux changements climatiques qui m’anime le plus. Selon moi, ça vient avant quoi que ce soit d’autre. Je crois en notre capacité d’action sur notre environnement immédiat. Projet Montréal veut amener une réflexion sur une autre manière de vivre en ville. Il faut tranquillement préparer la ville de demain. Une ville moins dépendante à la voiture, au pétrole. Il y a beaucoup à faire. Ça me stimule. Ma motivation vient surtout du fait qu’on a été très mal représenté ces dernières années. Cela a développé chez moi une certaine hargne. Un désir de changer les personnes qui étaient en place, de faire les choses différemment.
Qu’est-ce que vous avez le goût de réaliser concrètement au cours des quatre prochaines années?
Faire les premiers quartiers verts. J’espère qu’on va y arriver avant les prochaines élections, pour vraiment montrer la vision de quartiers résidentiels au centre-ville, libérés du trafic de transit. Dans le fond, il faut repenser comment vivre dans une ville. Il faut « végétaliser ». Pourquoi? Pour réduire l’effet des îlots de chaleur, pour rendre plus convivial l’endroit où on décide de vivre, pour redonner
l’espace aux citoyens et aux enfants. Les ruelles vertes sont un exemple de ça. Il y a toute une vision structurante qui est liée à notre programme. Mais il faut commencer quelque part. Je pense que Le Plateau s’avérera un excellent endroit pour mettre cette vision de l’avant. Et si ça fonctionne bien, qui sait, on donnera peut-être le goût aux autres Montréalais d’en faire autant.
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