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Enfin, l’école est finie!

par Michèle Ouimet
dans La Presse
le mercredi 22 juin 1994, p. A1

Enfin, l’école est finie!
Plus d’un million d’élèves en vacances

Les jeunes de secondaire I dévalent les escaliers et s’engouffrent vers la sortie, trop heureux de laisser derrière eux la salle de classe surchauffée où ils ont peiné sur leur dernier examen. Finis l’école et les horribles devoirs. Enfin les vacances, l’été, les amis et la Ronde.

Les grands de secondaire V sont moins exubérants, plus sobres. Ils sortent de leur local, en petits groupes de quatre ou cinq, après un examen de biologie. Ils jasent et se dirigent tranquillement vers la sortie. Ils ont fini la longue traversée du désert, l’interminable secondaire. Enfin presque. Il leur reste bien un dernier examen en éducation économique demain, mais ils ont déjà la tête dans les nuages.

Ces jeunes fréquentent l’école secondaire Jeanne-Mance, située sur la rue Bordeaux au coin de Rachel, dans l’est de Montréal. C’est une affreuse bâtisse grise en béton, flanquée en plein champ, mais la direction a eu la brillante idée d’aménager le terrain en havre de paix avec des bancs, des arbres et du gazon. Près de 40 p. cent des 1500 étudiants sont des allophones, surtout Asiatiques, Portugais ou Latino-américains. Jeanne-Mance est la cinquième parmi les écoles les plus pauvres de la CÉCM.

Demain, un million d’élèves au Québec, répartis dans plus de 3000 établissements scolaires, quitteront les bancs d’école pour deux mois. Selon les dernières statistiques du ministère de l’Éducation, 1042352 élèves fréquentaient les écoles primaires et secondaires de la province au secteur public et 101098 au privé, en 1991-1992.

À la CÉCM, 88206 jeunes du primaire et du secondaire «tomberont» en vacances. Sur l’Île de Montréal, dans les huit commissions scolaires, il y aura 194360 étudiants qui seront libérés du joug de l’école.

«Je ne suis aucunement nostalgique. Au cégep, je vais être enfin libre de choisir ce qui m’intéresse», affirme un grand de secondaire V, Carl Boileau, nonchalamment appuyé sur un mur de l’école Jeanne-Mance, juste à côté des grandes portes. Il vient de finir son examen de biologie et, avec une copine, Émilie Lemieux, il philosophe sur l’école, «cette usine de l’éducation qui n’a pas d’âme».

«C’est trop grand, on ne sent pas un sentiment d’appartenance, dit Émilie. Il y a un mois, j’ai organisé une réunion pour mettre sur pied un conseil étudiant. Il y avait une seule personne, moi.»

Carl a hâte d’aller au cégep. «Il n’y aura plus de niaisage comme au secondaire. Au cégep, il faut se tenir les bretelles parce que ça va vite.»

Plus tard, il veut devenir professeur de français mais pour l’instant, il pense à ses vacances. Il veut faire le tour de la Gaspésie sur le pouce.

Quelques étages plus bas, deux grandes copines de secondaire III, Évelyne Renaud et Véronique Lagacé, s’enlacent. Évelyne affirme qu’elle sera sur le party tout l’été. Elles aiment leur école. «C’est sympathique, vivant, pas trop fermé, disent-elles. On a pas mal de liberté.»

Un peu plus loin, William Clément, un élève de secondaire V, rêve du grand voyage de quatre mois qu’il veut faire en Europe en mars 1995. Mais il doit d’abord travailler et se taper une session au cégep du Vieux-Montréal en arts plastiques.

Même si la cloche a sonné depuis longtemps, ils sont nombreux à flâner encore dans les corridors et à discuter entre amis. Les professeurs essaient de les disperser en leur demandant, sur un ton faussement sévère, de partir. Les élèves répondent mollement. Ils ont beau dire qu’ils détestent l’école, ils ne se décident pas à la quitter.


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