Investiture péquiste dans Mercier – Toussaint passe par six voix
par Kathleen Lévesque
dans Le Devoir
le lundi 5 mars 2001, p. A1
Victoire à l’arraché hier dans Mercier pour l’establishment péquiste. Le candidat Claudel Toussaint a remporté l’investiture dans cette circonscription au cœur de Montréal avec seulement six voix de majorité.
M. Toussaint a gagné en franchissant de justesse la majorité des 334 votes exprimés. Il a recueilli 173 votes contre 125 pour son plus proche adversaire Pierre Tadros.
Carl Boileau s’est classé au troisième rang avec 26 voix, suivi de Gaétan Dostie et de Michel Bédard qui ont respectivement amassé 7 et 3 appuis parmi les péquistes présents. Ces derniers ont quelque peu boudé l’événement avec un taux de participation de 42 % alors que, par le passé, (investitures de 1994 et 1998) la participation a déjà été plus importante avec 60 %.
Les indécis, qui représentaient encore à quelques heures du vote un bloc d’au moins 20 % selon les camps Toussaint et Tadros, semblent avoir fait pencher la balance. Le discours de M. Toussaint, empreint d’un ton critique envers le Parti québécois et le gouvernement, a peut-être également joué un rôle. « Il faut sortir de la léthargie militante, a-t-il lancé aux péquistes. […] Notre gouvernement s’est montré trop frileux de son héritage social-démocrate. »
Candidat de dernière minute dans une investiture qui s’est étirée sur cinq mois, Claudel Toussaint a été perçu comme une réponse à l’affaire Michaud et aux relents de nationalisme ethnocentrique qu’elle a soulevés. Si M. Toussaint s’est défendu d’être envoyé en service commandé pour redorer l’image du Parti québécois quelque peu ternie par le dossier, il reconnaît toutefois que sa présence peut « susciter un éveil » auprès des communautés culturelles. D’origine haïtienne, M. Toussaint est attaché politique dans le cabinet du ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, Sylvain Simard.
Yves Michaud était au cœur des discussions hier dans le sous-sol d’une église du plateau Mont-Royal où se déroulait l’assemblée d’investiture. Des militants ont d’ailleurs hué l’arrivée du député André Boulerice qui a coprésenté la motion de blâme à l’endroit de M. Michaud à l’Assemblée nationale. S’ajoute également la démission samedi d’André Reny, président jusque-là de l’exécutif de Mercier. M. Reny militait en faveur d’un raffermissement des lois linguistiques au Québec en général, et de l’imposition du cégep en français pour les allophones, en particulier. Cette proposition a été rejetée.
Par-delà tous ces remous, M. Toussaint ne cachait pas sa satisfaction. « Je suis très heureux et très ému que les gens de Mercier me donnent le mandat de faire la bataille en leur nom lors de la prochaine élection partielle », a-t-il souligné aux journalistes.
Dans son bref discours de remerciement, M. Toussaint a lancé un appel à la solidarité; tous ses adversaires, hormis Carl Boileau, se sont d’ailleurs ralliés. Le père de M. Boileau est l’un des organisateurs de Paul Cliche, qui fera la lutte à Claudel Toussaint à titre de candidat indépendant issu « des forces progressistes ». Carl Boileau affiche clairement sa dissidence au sein du PQ. « Certaines personnes laissent entendre que je trahis le parti. Moi, j’ai l’impression d’être trahi par mon propre parti. Mon appartenance politique va être établie en fonction de la direction que M. Landry va imposer au Parti québécois », a-t-il expliqué.
L’investiture péquiste étant réglée, le prochain premier ministre Landry devra déclencher des élections partielles d’ici au 6 avril. Mercier est une forteresse péquiste depuis 1976. Mais les Paul Cliche, Nathalie Rochefort, candidate libérale et André Larocque de l’Action démocratique du Québec tenteront de l’ébranler.